Livre Bleu Diplomatique 2024
Chapitre 2
Section 7 Afrique du Nord
Situation en Afrique du Nord (Égypte, Libye, Tunisie, Algérie, Maroc)
(1) Égypte
Située au carrefour géopolitique du Moyen-Orient, de l’Afrique et de l’Europe, et forte d’une population de plus de 100 millions d’habitants, l’Égypte est une puissance régionale pour le Moyen-Orient comme pour l’Afrique du Nord. Après l’attaque terroriste perpétrée le 7 octobre par le Hamas et d’autres groupes armés et face à l’escalade de tensions qui a suivi entre Israël et la Palestine, l’Égypte a joué un rôle majeur en faveur de la stabilité régionale. En facilitant l’évacuation de ressortissants étrangers et d’autres personnes de la bande de Gaza, réceptionnant et acheminant l’aide humanitaire fournie par la communauté internationale et des pays du monde entier, et déployant des efforts diplomatiques tels que le sommet du Caire pour la paix qui réunissait de hauts responsables des principaux pays, l’Égypte s’est placée en leader des discussions sur l’apaisement des tensions, la prévention de l’instabilité dans l’ensemble de la région et l’urgence de la situation humanitaire. Lors de l’élection présidentielle de décembre, le Président sortant Abdel Fattah AL-SISSI a bénéficié de 89,6 % des suffrages exprimés, ouvrant la voie pour son troisième mandat à un gouvernement de longue durée.
En ce qui concerne les relations avec le Japon, le Premier ministre KISHIDA Fumio s’est rendu en Égypte en avril. C’était la première fois en huit ans qu’un Premier ministre japonais en exercice se rendait en visite officielle dans ce pays. Il a tenu une réunion au sommet avec le Président Abdel Fattah AL-SISSI, et ils ont annoncé ensemble l’élévation des relations bilatérales entre leurs deux pays au rang de « partenariat stratégique ». En septembre, le ministre des Affaires étrangères HAYASHI Yoshimasa s’est à son tour déplacé au Caire, où il a rendu une visite de courtoisie au Président Abdel Fattah AL-SISSI et s’est entretenu avec son homologue égyptien Sameh SHOUKRY. Il a également organisé la toute première session des consultations ministérielles trilatérales sur le Moyen-Orient entre le Japon, l’Égypte et la Jordanie et la troisième rencontre du dialogue politique nippo-arabe. Face à la détérioration de la situation à Gaza, le Premier ministre KISHIDA Fumio s’est entretenu par téléphone avec le Président Abdel Fattah AL-SISSI le 17 octobre et le 29 novembre. Le 1er décembre, en marge de la 28e Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP28) aux Émirats arabes unis, il s’est de nouveau entretenu avec le Président Abdel Fattah AL-SISSI afin d’échanger leurs points de vue sur les relations bilatérales et sur les situations régionale et internationale. A cette occasion, les deux dirigeants ont réaffirmé leur volonté de coopérer étroitement. La ministre des Affaires étrangères KAMIKAWA Yoko s’est elle aussi entretenue par téléphone avec son homologue Sameh SHOUKRY à l’automne 2023 (le 12 octobre et le 14 novembre). Elle a également assisté au sommet du Caire pour la paix en octobre, et a échangé des vues avec le Président Abdel Fattah AL-SISSI, qui présidait le sommet.

Deux membres des Forces japonaises d’autodéfense étaient déjà détachés depuis avril 2019 auprès de la Force multinationale d’Observateurs au Sinaï (FMO) et, en juillet 2023, cet effectif a été doublé. Avec quatre officiers d’état-major détachés auprès de cette organisation, dont l’une des missions principales est de surveiller le cessez-le-feu entre l’Égypte et Israël, le Japon entend poursuivre sa contribution à la paix et à la stabilité dans la région.
(2) Libye
La Libye est une grande puissance énergétique puisqu’elle possède les plus grandes réserves de pétrole d’Afrique, mais le pays reste en proie à l’instabilité depuis la chute du régime de Kadhafi en 2011, confronté à un conflit persistant entre les forces politiques de l’est et de l’ouest. En avril 2019 le maréchal Khalifa HAFTAR, homme fort de l’est du pays et commandant en chef de l’« Armée nationale libyenne » (ANL), avait ordonné à ses forces de marcher sur la capitale Tripoli, menant à un conflit armé, mais depuis la signature en octobre 2020 par les deux parties d’un accord de cessez-le-feu permanent, le nombre d’incidents armés entre les parties est et ouest a considérablement diminué. En septembre 2023, des inondations ont causé d’importants dégâts, principalement à Derna, dans l’est du pays.
Sur le plan politique, malgré un accord de principe conclu au Forum de dialogue politique libyen organisé par l’Organisation des Nations unies pour planifier une série d’élections nationales, dont l’élection présidentielle qui devait avoir lieu le 24 décembre 2021 en référence à la date anniversaire de l’indépendance libyenne, les élections attendues n’ont toujours pas eu lieu à la fin de 2023. Ce n’est pas faute d’efforts, comme en témoigne le travail des Nations unies en faveur de la tenue d’élections tout au long de l’année 2023, avec notamment une initiative présentée en février par le représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies pour la Libye Abdoulaye BATHILY.
Par l’intermédiaire de la JICA, le Japon a fourni une aide d’urgence pour répondre aux inondations survenues dans l’est de la Libye en septembre. Des notes diplomatiques relatives à une aide financière non remboursable d’urgence d’un montant total de 3 millions USD ont également été échangées. Compte tenu par ailleurs de l’amélioration de la situation sécuritaire, l’ambassade du Japon en Libye a repris ses activités à Tripoli en janvier 2024, mettant fin à la période de fermeture temporaire qui avait été déclarée en juillet 2014.
(3) Pays du Maghreb (Tunisie, Algérie, Maroc)
Située au carrefour stratégique de l’Europe, du Moyen-Orient et de l’Afrique et forte d’une importante main-d’œuvre jeune et pleine de potentiel, la région du Maghreb revêt une grande importance économique en Afrique. Mais la pauvreté croissante, les disparités régionales, les taux de chômage élevés et les effets de la hausse des prix des denrées alimentaires continuent de représenter des défis que l’Algérie, le Maroc et la Tunisie relèvent avec difficulté. Le trafic d’armes et les flux d’immigration illégale en provenance de la Libye et de la région du Sahel constituent par ailleurs une source d’inquiétude croissante en termes de sécurité.
En Tunisie, en vertu d’une nouvelle Constitution entrée en vigueur en 2022, des élections législatives ont eu lieu en décembre de la même année et en janvier 2023, et un nouveau parlement a été formé. Alors que la Tunisie est confrontée aux conséquences économiques et financières de l’agression de l’Ukraine par la Russie et du changement climatique, la question de savoir si le pays sera en mesure de mener à bien les réformes économiques et sociales nécessaires doit être suivie avec attention.
En ce qui concerne les relations avec le Japon, le ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères YAMADA Kenji s’est déplacé en Tunisie en juin 2023. Il a rendu une visite de courtoisie à la cheffe du gouvernement Najla BOUDEN et au ministre des Affaires étrangères Nabil AMMAR. Il a également coprésidé la 11e commission mixte Japon-Tunisie, où il a mené des échanges de vues sur les relations bilatérales en général, et sur la situation régionale et la coopération sur la scène internationale. En septembre, le ministre des Affaires étrangères HAYASHI Yoshimasa s’est entretenu avec son homologue Nabil AMMAR, en marge du dialogue politique nippo-arabe en Égypte. Les avancées sur le plan de la coopération politique se sont notamment constatées avec la tenue de la troisième session du dialogue nippo-tunisien sur la sécurité et la lutte contre le terrorisme en décembre.

En Algérie, le Président Abdelmadjid TEBBOUNE, qui a pris ses fonctions en décembre 2019, a lancé des réformes politiques conformément à son projet de créer une « nouvelle Algérie ». Il a notamment fait modifier la loi sur l’investissement en 2022. En novembre 2023, il a nommé Nadir LARBAOUI au poste de Premier ministre. A l’approche de l’élection présidentielle de 2024, à laquelle il pourrait se représenter, la manière dont il entend diriger le pays doit être observée avec attention.
En ce qui concerne les relations avec le Japon, la signature en février 2023 d’une convention fiscale (qui est entrée en vigueur le 20 janvier 2024) et en juillet 2023 d’un accord sur l’établissement d’un comité économique mixte intergouvernemental Japon-Algérie laisse présager un renforcement des relations économiques. Des discussions politiques entre le Japon et l’Algérie ont eu lieu en juin, et la consultation algéro-japonaise sur la sécurité et la lutte contre le terrorisme s’est tenue en décembre, dix ans après la précédente édition. Lors de ces rencontres, les deux pays ont procédé à des échanges de vues sur leurs situations régionales respectives. Ils ont également réaffirmé leur résolution de coopérer dans les cadres multilatéraux, notamment au Conseil de sécurité des Nations unies, où ils siégeront ensemble en 2024. Comme en témoigne l’envoi en Algérie par la JICA d’un expert japonais dans le cadre du projet co-gestion de la pêche artisanale, ou encore la participation de réalisateurs japonais au Festival international de la bande dessinée d’Alger (FIBDA), les relations nippo-algériennes ont progressé au-delà du plan diplomatique en 2023.
Au Maroc, le cabinet de coalition dirigé par le chef du Rassemblement national des indépendants (RNI) Aziz AKHANNOUCH et qui a été formé à la suite des élections législatives de septembre 2021 se concentre sur la santé, l’éducation, la sécurité sociale, la réforme fiscale, ainsi que sur la mise en œuvre du « nouveau modèle de développement » prôné par le roi Mohammed VI. En parallèle, et notamment parce qu’il est exposé aux risques liés au changement climatique tels que les inondations et la sécheresse, le Maroc s’engage activement dans la transition vers une économie verte. En septembre 2023, un tremblement de terre de magnitude 6,8 a frappé la région montagneuse du centre du pays, causant d’importants dégâts. En octobre, les assemblées annuelles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) se sont tenues à Marrakech, avec la participation du ministre des Finances SUZUKI Shunichi, et du gouverneur de la Banque du Japon UEDA Kazuo.
En ce qui concerne les relations avec le Japon, le Président de la Chambre des représentants du Maroc Rachid TALBI EL-ALAMI a effectué une visite officielle au Japon en mars. Au cours de celle-ci, il a rencontré des dignitaires de la Diète. En marge de la troisième rencontre du dialogue politique nippo-arabe qui a eu lieu en Égypte en septembre, le ministre des Affaires étrangères HAYASHI Yoshimasa s’est entretenu avec son homologue marocain Nasser BOURITA. Les deux ministres ont confirmé leur intention de renforcer davantage la coopération bilatérale dans un large éventail de domaines. Toujours en septembre, en réponse aux dégâts causés par le tremblement de terre qui a frappé le centre du pays, le Japon a fourni au Maroc une aide humanitaire d’urgence d’un montant total de 3 millions USD.