2 Perspectives pour la diplomatie japonaise La communauté internationale est arrivée à un tournant de son Histoire. Alors que l’équilibre des pouvoirs se modifie et que la concurrence géopolitique s’intensifie, des problèmes mondiaux tels que le changement climatique et les maladies infectieuses menacent la survie de l’humanité, et la communauté internationale dans son ensemble doit coopérer pour trouver des solutions au-delà des différences de valeurs et d’intérêts. Les relations internationales se trouvent donc dans une situation complexe de confrontation, de concurrence et de coopération. Dans ces circonstances, le Japon doit poursuivre une diplomatie forte et bien ajustée pour maintenir et développer un ordre international libre et ouvert fondé sur l’État de droit, en adoptant une approche inclusive qui tienne compte de la diversité de la communauté internationale, afin de garantir la sécurité et la prospérité de son propre pays et de son propre peuple, et de promouvoir des valeurs universelles telles que la liberté, la démocratie et le respect des droits fondamentaux de l’Homme. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Japon a toujours suivi la voie d’une nation pacifique, contribuant à la paix et à la prospérité de la région Asie-Pacifique et de la communauté internationale, et œuvrant au maintien et au renforcement d’un ordre international libre et ouvert fondé sur l’État de droit. Elle a également développé une diplomatie « affinée » avec tous les pays, en respectant la diversité de chaque pays, en discutant des problématiques communes dans la même perspective et en apportant le soutien dont l’autre partie a réellement besoin. En outre, tout en construisant la prospérité d’aujourd’hui dans le cadre d’un système commercial multilatéral, le Japon, en tant que porte-drapeau du libre-échange, a promu un ordre économique libre et équitable fondé sur des règles. Dans le même temps, le Japon a coopéré avec les pays en développement sur la base du principe de la sécurité humaine et s’est attaqué aux problématiques mondiales, y compris la réalisation des objectifs de développement durable (ODD), par le biais d’un soutien au renforcement des capacités et d’autres mesures. Il a également contribué activement au désarmement et à la non-prolifération nucléaires, ainsi qu’aux efforts internationaux de consolidation de la paix. La « confiance » du monde à l’égard du Japon, qui a été favorisée par ces efforts, est la pierre angulaire de la diplomatie japonaise aujourd’hui. Toutefois, l’ordre international libre et ouvert fondé sur l’État de droit, qui a soutenu la paix, la sécurité et la prospérité de la communauté internationale, est confronté à de sérieux défis à mesure que les changements historiques de l’équilibre des pouvoirs et la concurrence géopolitique s’intensifient. Les pressions visant à modifier unilatéralement le statu quo par la force augmentent également dans le voisinage du Japon, et le Japon est confronté à l’environnement de sécurité le plus grave et le plus complexe de l’après-guerre. En réponse, le Japon a formulé sa « stratégie de sécurité nationale » et d’autres documents stratégiques en décembre 2022. Dans le cadre de cette stratégie, le Japon mènera une diplomatie forte soutenue par un renforcement fondamental de ses capacités de défense, et tirera pleinement parti de sa puissance étatique globale, y compris ses capacités économiques, technologiques et de renseignement, pour répondre aux attentes et à la confiance de la communauté internationale, tout en garantissant la paix et la prospérité du Japon. Le gouvernement Kishida, dans sa politique de base, préconise de développer la diplomatie et la sécurité avec : la détermination de défendre pleinement les valeurs universelles ; la détermination de défendre pleinement la paix et la sécurité du Japon ; et la détermination de diriger la communauté internationale en s’attaquant aux problèmes mondiaux. Fort de ces « trois déterminations », le Japon continuera à développer sa diplomatie en adoptant une position équilibrée et stable et en faisant preuve d’une grande réactivité. En 2023, le Japon occupe la présidence du G7 et siège au Conseil de sécurité des Nations unies en tant que membre non permanent. Le Japon travaille en étroite collaboration avec la communauté internationale pour prendre l’initiative dans la résolution des problèmes croissants auxquels la communauté internationale est confrontée. (1) Maintenir et renforcer un ordre international libre et ouvert fondé sur l’État de droit Premièrement, le Japon continuera à promouvoir les efforts visant à maintenir l’ordre international libre et ouvert fondé sur l’État de droit. (a) Renforcer la coopération avec ses alliés et les pays d’optique commune C’est par une coopération étroite que le G7 a réagi le plus efficacement à l’agression de la Russie contre l’Ukraine. Lors du sommet du G7 à Hiroshima en mai 2023, en tant que président du G7, le Japon démontrera la forte détermination du G7 à faire respecter l’ordre international fondé sur l’État de droit, en rejetant fermement toute tentative unilatérale de modifier le statu quo par la force ou la coercition, ou la menace de la Russie d’utiliser des armes nucléaires, ou l’utilisation d’armes nucléaires. Dans le même temps, le G7 prendra l’initiative de s’occuper de l’économie mondiale, notamment de l’énergie et de la sécurité alimentaire, des affaires régionales, notamment de l’Ukraine et de la région indopacifique, du désarmement et de la non-prolifération nucléaires, de la sécurité économique et des problématiques mondiales, notamment du changement climatique, de la santé mondiale et du développement. Le Japon a également renforcé de manière significative la coopération entre le Japon, l’Australie, les États-Unis et l’Inde. Tout en démontrant notre détermination à ne pas permettre de changements unilatéraux du statu quo par la force dans quelque région que ce soit, les quatre pays promeuvent une coopération pratique dans un large éventail de domaines afin de réaliser l’ « Indopacifique libre et ouvert » (FOIP). En outre, le FOIP devient encore plus importante à ce tournant de l’Histoire. Le Japon fera progresser son nouveau plan pour renforcer les efforts diplomatiques et améliorer la coordination en vue de réaliser le FOIP, avec des partenaires tels que l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), l’Europe, l’Océanie, l’Amérique latine et les Caraïbes et d’autres, en plus des relations Japon-Australie-États-Unis-Inde. En particulier, le Japon et l’ASEAN définiront une vision pour les futures relations ASEAN-Japon à l’occasion du sommet commémoratif pour le 50e anniversaire de l’amitié et de la coopération ASEAN-Japon qui se tiendra à Tokyo aux alentours de décembre 2023. (b) Développement d’un ordre économique libre et équitable fondé sur des règles Un ordre économique libre et équitable fondé sur des règles est le fondement de la croissance et de la prospérité, non seulement pour le Japon, mais aussi pour le monde entier. Le Japon continuera à exercer son leadership en tant que porte-drapeau du libre-échange, à œuvrer au maintien des normes élevées de l’accord global et progressif pour le partenariat transpacifique (CPTPP) et à assurer la pleine mise en œuvre de l’accord de partenariat économique régional global (RCEP), ainsi qu’à mener la réforme de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Dans le secteur numérique, le Japon jouera également un rôle central dans l’élaboration des règles internationales, y compris dans le commerce électronique de l’OMC, afin de promouvoir la « libre circulation des données en toute confiance » (DFFT). En ce qui concerne le cadre économique indopacifique pour la prospérité (IPEF), un cadre important pour apporter une croissance économique durable et inclusive à la région indopacifique, le Japon contribuera au développement d’un cadre qui conduira à des résultats concrets à un stade précoce, en étroite coopération avec les pays participant à l’IPEF. Le Japon fera également des efforts proactifs pour aider les entreprises japonaises à développer leurs activités à l’étranger. Il s’efforce également de lever les restrictions à l’importation de produits alimentaires japonais dans tous les pays et toutes les régions grâce à des efforts déployés par l’ensemble des Japonais. Le Japon continuera à œuvrer en vue d’organiser avec succès l’exposition universelle de 2025 (Expo 2025, Osaka, Kansai, Japon). (c) Renforcement des fonctions de l’ONU Face à l’agression de la Russie contre l’Ukraine, les Nations unies et le Conseil de sécurité des Nations unies sont mis à l’épreuve. Toutefois, c’est précisément parce que nous vivons à une époque où les divisions et les confrontations s’aggravent que l’ONU, avec ses 193 États membres, est d’une grande importance pour refléter la volonté collective dela communauté internationale dans le cadre du multilatéralisme. Il est également extrêmement important que la communauté internationale revienne à la vision et aux principes de la Charte des Nations unies, qui défend le respect de la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’interdiction générale du recours à la force, afin de sortir de mettre fin aux troubles actuels au sein de la communauté internationale. Par conséquent, le Japon contribuera de manière proactive au renforcement des fonctions des Nations unies dans leur ensemble, y compris la réforme du Conseil de sécurité, en communiquant étroitement avec les autres États membres afin que les Nations unies puissent s’acquitter de leurs responsabilités. Ce qu’il faut maintenant, ce n’est pas une discussion pour le plaisir de discuter, mais une action en faveur de la réforme. Le Japon poursuivra ses efforts pour progresser rapidement grâce à une communication étroite entre le G4 (Japon, Inde, Allemagne et Brésil) et les pays concernés tels que les États-Unis, le Royaume-Uni (RU), la France et les pays africains. En outre, le Japon continuera à contribuer aux opérations de maintien de la paix des Nations unies (OMP) et à d’autres initiatives de consolidation de la paix des Nations unies. (2) Répondre aux problématiques en matière de sécurité Le premier élément de la puissance étatique globale pour la sécurité nationale du Japon est la capacité diplomatique. Dans le cadre de la nouvelle stratégie de sécurité nationale, le Japon développera une diplomatie forte soutenue par un renforcement fondamental des capacités de défense, préviendra les crises avant qu’elles ne surviennent et créera de manière proactive un environnement international pacifique et stable. Dans le même temps, les capacités de défense, qui expriment la volonté et la capacité du Japon à se défendre, ne peuvent être remplacées par d’autres moyens. Le renforcement fondamental des capacités de défense consolidera le travail de fond diplomatique visant à créer activement un environnement de sécurité souhaitable pour le Japon. Dans le cadre de ces efforts, le Japon, en tant que nation pacifique, adhérera à la politique de base consistant à maintenir une politique exclusivement axée sur la défense nationale, à ne pas devenir une puissance militaire représentant une menace pour d’autres pays et à respecter les trois principes de non-nucléarité. En outre, le Japon s’efforcera de renforcer fondamentalement la structure de mise en œuvre de sa politique étrangère afin de répondre avec précision à l’évolution rapide de la situation internationale. En outre, afin de promouvoir la sécurité économique, nous travaillerons activement au renforcement de la coopération avec les pays partageant les mêmes idées et à la formulation de normes internationales permettant de répondre aux nouvelles problématiques. (a) Renforcer l’alliance nippo-américaine Le Japon approfondira davantage encore l’alliance nippo-américaine, pilier de la politique étrangère et de sécurité du Japon. Lors d’une série de réunions avec les États-Unis, les deux pays ont confirmé qu’une modification unilatérale du statu quo par la force n’est jamais acceptable, quelle que soit la région. Sur la base de l’alliance nippo-américaine, le potentiel de la région indo-pacifique, qui est stratégiquement la plus importante pour les deux pays, doit être lié à sa stabilité et à sa prospérité. À cette fin, le Japon et les États-Unis travailleront ensemble pour renforcer les capacités de dissuasion et de réaction de l’Alliance, en tenant compte de l’évolution des rôles et des missions de l’Alliance nippo-américaine. Pour ce faire, les deux pays s’attacheront à renforcer encore la coordination bilatérale par le biais du mécanisme de coordination de l’Alliance, les efforts alliés en temps de paix, l’approfondissement de la coopération entre le Japon et les États-Unis en vue de l’exploitation efficace des capacités de contre-attaque du Japon, la coopération dans les domaines de l’espace, de la cybersécurité et de la sécurité de l’information, la coopération technologique pour faire en sorte que l’Alliance reste compétitive, et les investissements conjoints dans les technologies émergentes, etc. Le Japon poursuivra également ses efforts pour faire en sorte que la dissuasion élargie4 des États-Unis reste crédible et résiliente. En outre, le Japon continuera d’optimiser le dispositif des forces américaines au Japon et mettra tout en œuvre pour atténuer les incidences sur les communautés locales, notamment en transférant dès que possible la base aérienne du corps des Marines (MCAS) de Futenma à Henoko, tout en maintenant une présence stable des forces américaines au Japon. Parallèlement, dans le cadre du Comité consultatif de politique économique Japon-États-Unis (le « 2+2 » économique) lancé en juillet, les deux pays discuteront de la diplomatie, de la sécurité et de l’économie dans leur ensemble, et renforceront la coopération sur des questions communes aux deux pays, telles que la sécurité économique et le maintien et le renforcement d’un ordre économique fondé sur des règles. 4 La dissuasion qu’un pays possède à l’égard de ses alliés et des autres. (b) Renforcer les liens avec les alliés et les pays d’optique commune Outre l’alliance nippo-américaine, il est également important de construire un réseau à plusieurs niveaux entre les alliés et les pays d’optique commune, de l’étendre et de renforcer la dissuasion. À cette fin, tout en utilisant des cadres tels que les accords Japon-États-Unis-Corée-du-Sud et Japon-États-Unis-Australie, entre autres, le Japon renforcera sa coopération en matière de sécurité avec l’Australie, l’Inde, la Corée du Sud, les pays européens, les pays de l’ANASE, le Canada, l’OTAN, l’UE et d’autres encore. Avec l’Australie, l’accord d’accès réciproque Japon-Australie5 a été signé en janvier, et lors du sommet Japon-Australie d’octobre, les dirigeants ont signé la nouvelle déclaration conjointe Japon-Australie sur la coopération en matière de sécurité. Le Japon continue de renforcer et d’étendre régulièrement sa coopération avec l’Australie dans le domaine de la sécurité afin de garantir la paix et la prospérité dans la région indopacifique. Avec l’UE, l’OTAN et les pays européens, le Japon a renforcé la coopération en matière de sécurité en partant du principe que la sécurité de l’Europe et de la région indopacifique est indissociable. L’UE, l’OTAN et les pays européens s’intéressent de plus en plus à la région indopacifique et, dans ce contexte, le ministre des affaires étrangères Hayashi est devenu le premier ministre des affaires étrangères du Japon à assister à une réunion des ministres des affaires étrangères de l’OTAN en avril et, en juin, le Premier ministre Kishida est devenu le premier Premier ministre du Japon à assister à un sommet de l’OTAN. En décembre, le Japon a annoncé un accord sur le développement conjoint d’avions de combat de nouvelle génération (GCAP) entre les trois pays, le Japon, le Royaume-Uni et l’Italie, et en janvier 2023, le Japon et le Royaume-Uni ont signé l’accord d’accès réciproque Japon-Royaume-Uni6. Le Japon continuera à promouvoir une coopération concrète avec les pays européens, l’UE et l’OTAN afin d’étendre leur engagement à l’Indo-Pacifique. 5 Accord qui établit des procédures entre le Japon et l’Australie pour les activités de coopération menées par les forces de défense d’un pays lors d’une visite dans l’autre pays, et définit un statut pour les forces en visite. 6 Accord qui établit des procédures entre le Japon et le Royaume-Uni pour les activités de coopération menées par les forces de défense d’un pays lors d’une visite dans l’autre pays, et définit un statut pour les forces en visite. (3) Les relations avec les différents pays de la région et du monde Afin de maintenir la paix et la sécurité sur son territoire et dans sa zone régionale, le Japon prendra position sur les sujets sensibles qui divisent les pays de la région et du monde tout en favorisant la stabilité de ses relations avec ces pays. Bien qu’il y ait du potentiel entre le Japon et la Chine, on observe une intensification des tentatives unilatérales de la Chine de modifier le statu quo par la force en mer de Chine méridionale et en mer de Chine orientale et ce, y compris dans les eaux entourant les îles Senkaku. Cela s’ajoute à une longue liste de sujets de préoccupation à un moment où la Chine intensifie son activité militaire dans la région de Taïwan, avec notamment des missiles balistiques qui ont fini leur course dans la ZEE japonaise en août 2022. La paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan sont également importantes. Le Japon est par ailleurs très préoccupé par la situation des droits de l’Homme dans la région autonome ouïgoure du Xinjiang et par la situation à Hong Kong. En même temps, le Japon et la Chine ont une grande responsabilité dans la paix et la prospérité de la région et du monde. Le Japon multipliera les moments de discussion avec la Chine, que ce soit au sommet, au niveau des ministres des affaires étrangères ou à d’autres niveaux, pour affirmer fermement sa position, demander à la Chine une attitude responsable, et comme il est important que le Japon et la Chine fassent conjointement des efforts pour établir une relation constructive, stable et permettant de coopérer sur de nombreux sujets, le Japon maintiendra ce dialogue quel que soit le niveau de sensibilité du sujet. La Corée du Sud est un voisin important avec lequel le Japon doit coopérer face aux différents défis de la communauté internationale. Compte tenu notamment de l’attitude à adopter face à la question nord-coréenne, l’importance de renforcer la coordination stratégique Japon-Corée-du-Sud et Japon-États-Unis-Corée-du-Sud ne fait plus débat, y compris dans le domaine de la sécurité. Il est nécessaire de rétablir et de faire progresser des relations saines entre le Japon et la Corée du Sud, en prenant comme fondement la relation d’amitié et de coopération née de la normalisation des relations diplomatiques. S’appuyant sur les conclusions du sommet nippo-sud-coréen en novembre, le Japon continuera à communiquer étroitement avec le gouvernement de la Corée du Sud. Concernant l’Ile de Takeshima, c’est un territoire inhérent au Japon, tant à la lumière des faits historiques qu’en vertu du droit international. Le Japon traitera la question avec détermination sur la base de cette position cohérente. L’agression de l’Ukraine par la Russie ébranle les fondements mêmes de l’ordre international. Les agissements de la Russie, avec notamment l’« annexion » illégale de certaines parties de l’Ukraine et le meurtre de civils innocents, ont été commis en violation du droit international et ne pourront jamais être justifiés. En tant que seul pays à avoir subi des bombardements atomiques, le Japon ne peut tolérer la menace nucléaire de la Russie et encore moins l’utilisation de telles armes. Considérant que la sécurité en Europe et dans la région indopacifique ne peuvent plus être traitées séparément, résolument déterminé à ne permettre aucune tentative unilatérale de modifier par la force le statu quo et ce quelle que soit la région, le Japon continuera à travailler en étroite collaboration avec la communauté internationale comme c’est déjà le cas avec les pays du G7. Il continuera à réclamer avec fermeté des sanctions contre la Russie et à montrer son soutien à l’Ukraine. En ce qui concerne ses relations avec la Russie, le Japon réagira de manière à protéger ses intérêts nationaux. L’agression de l’Ukraine par la Russie a rendu difficiles les relations entre le Japon et la Russie, et même si, pour l’heure, les conditions ne sont pas réunies pour envisager des pourparlers en vue d’un traité de paix, le Japon maintient comme objectif à terme de résoudre les différends territoriaux et de parvenir à un tel traité. Par ailleurs, la reprise des programmes d’échange des Territoires du Nord, comprenant par exemple les Visites de Tombes, est l’une des grandes priorités des rapports à venir entre le Japon et la Russie. En ce qui concerne les relations avec la Corée du Nord, le gouvernement japonais œuvre conformément à la Déclaration de Pyongyang à régler le passé malheureux et à normaliser ses relations avec la Corée du Nord, et fait face aux différents contentieux comme les enlèvements ou le programme nucléaire et balistique, en ne laissant aucune problématique de côté. Le Japon continuera à veiller à la stricte application par l’ensemble de la communauté internationale des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations unies et ne cessera d’agir pour la dénucléarisation complète de la Corée du Nord, en étroite coordination avec les États-Unis et la Corée du Sud, ainsi qu’avec le reste de la communauté internationale, notamment par le biais du Conseil de sécurité des Nations unies. Par ailleurs, le gouvernement japonais a comme priorité absolue le problème des enlèvements, un problème humanitaire soumis à des contraintes de temps. En effet, en plus d’être une menace pour la souveraineté du Japon et pour la vie et la sécurité de ses ressortissants, ce problème représente une violation des droits de l’Homme fondamentaux et constitue donc un enjeu pour l’ensemble de la communauté internationale qui doit être résolu sans délai. Le Japon continuera à faire tout son possible pour obtenir au plus tôt le retour de toutes les personnes enlevées. Pour cela il ne cessera de travailler en étroite collaboration avec les États-Unis et les autres pays concernés. (4) Les défis de la diplomatie régionale Le bouleversement de l’ordre international a entraîné une crise qui concerne tous les pays et territoires du monde. L’agression de l’Ukraine par la Russie a remis en cause les fondements mêmes de l’ordre international établi sur l’État de droit. Elle a également eu de graves répercussions sur la région Indopacifique, le Moyen-Orient, l’Afrique et d’autres régions en raison de la hausse des prix des denrées alimentaires et de l’énergie. Le Japon doit également se pencher sur la question des tentatives de la Russie, de la Chine et d’autres pays de diviser la communauté internationale en ayant recourt à la désinformation. Les pays émergents et en développement, également connus sous le nom de « Pays du Sud », ont considérablement gagné en importance et il est primordial que le Japon renforce sa coopération avec ces pays. Relever les défis communs au monde entier nécessite avant tout d’adopter une approche inclusive et le Japon doit prêter une oreille attentive à ces pays et leur apporter le soutien dont ils ont réellement besoin. Réalisée avec assiduité, une telle diplomatie renforcera encore davantage au sein de la communauté internationale le système de liberté et d’ouverture fondé sur l’État de droit. Située à un point clé, face à l’océan Indien et le long des principales lignes de communication maritime (SLOCs) reliant le Japon au Moyen-Orient et à l’Afrique, l’Asie du Sud-Ouest est une région de grande importance stratégique pour le Japon. Avec une population d’environ 1,8 milliard d’habitants et des taux de croissance économique élevés, cette région constitue en outre un marché et des sites de production attrayants pour les entreprises japonaises. Les pays d’Asie du Sud-Ouest ont des liens d’amitié historiques avec le Japon et, au fil des années, le Japon a renforcé son engagement avec eux dans un large éventail de domaines comprenant la sécurité, l’économie, la coopération économique ou encore les échanges humains. S’appuyant sur ce socle, et parce qu’ils sont des partenaires importants dans le maintien et le renforcement d’un ordre international libre et ouvert fondé sur l’État de droit, le Japon ne cessera d’approfondir ses relations avec les pays d’Asie du Sud-Ouest. La région des pays insulaires du Pacifique est une région très importante au regard de l’initiative pour un FOIP. Dans la perspective de la dixième réunion des dirigeants des îles du Pacifique (PALM) qui se tiendra en 2024, que ce soit par le biais de la réunion interministérielle intermédiaire qui aura lieu en amont de la réunion PALM en 2023, ou par le dialogue bilatéral, le Japon collaborera avec les pays portant les mêmes valeurs et soutiendra avec conviction le développement et l’unité des pays insulaires du Pacifique, tout en respectant les besoins de chacun. Le Moyen-Orient est l’une des principales sources d’approvisionnement énergétique de nombreux pays de la communauté internationale, dont le Japon qui en dépend à hauteur de près de 90 % pour ses importations de pétrole brut. Par conséquent, la paix et la stabilité de la région et sur ses voies de communication sont extrêmement importantes pour la sécurité énergétique mondiale comme pour la stabilité et la croissance de l’économie japonaise et du monde. Cette région a connu divers conflits et différends tout au long de son histoire et aujourd’hui encore persistent des tensions, de l’instabilité, ainsi que des conditions humanitaires dégradées. Le Japon est un allié des États-Unis et entretient dans le même temps par tradition de bonnes relations avec les pays du Moyen-Orient. Afin de maintenir et de renforcer un ordre international libre et ouvert fondé sur l’État de droit et d’y intégrer le Moyen-Orient, le Japon s’engagera dans une diplomatie proactive, dans le cadre par exemple du « Dialogue politique nippo-arabe », entre autres, pour contribuer en étroite coopération avec les pays concernés à l’apaisement des tensions et à la stabilisation de la situation régionale, tout en prenant en considération les préoccupations et les besoins de chaque pays. L’Afrique, qui devrait représenter un quart de la population mondiale d’ici à 2050, est un continent porté par une jeunesse pleine d’espoir et une perspective de croissance dynamique. Presque trente années ont passé depuis le lancement de la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD) en 1993 et, pendant toute cette période, le Japon a agi dans un esprit de soutien du développement mené par l’Afrique elle-même. En août, lors de la TICAD 8, le Japon a fait passer le message résolu selon lequel il encouragera les initiatives en tant que « partenaire pour une croissance mutuelle » en adoptant des approches propres au Japon, qui mettent au centre les « individus ». Le Japon continuera à contribuer à la réalisation d’une Afrique résiliente telle que l’Afrique elle-même entend bâtir et à approfondir ses relations avec ce continent. Le Japon partage des valeurs fondamentales avec de nombreux pays d’Amérique latine et des Caraïbes (ALC), faisant de ces pays des partenaires très présents sur la scène internationale. Leur importance stratégique en tant que fournisseurs de ressources s’accroît également dans le contexte des récentes crises énergétiques et alimentaires. Le Japon continuera à coopérer avec ces pays pour maintenir et renforcer un ordre international libre et ouvert. Le Japon travaillera à renforcer à la coopération dans divers domaines, en étroite collaboration avec ceux qui ont encouragé l’amitié historique entre le Japon et les pays de l’ALC, soient les communautés Nikkei (terme qui désigne les immigrants japonais et leurs descendants) et les personnes ayant une grande affinité pour le Japon et/ou une connaissance poussée du pays. L’objectif sera de réduire les écarts de développement entre les pays de l’ALC et d’envisager les potentiels de croissance de la transformation verte (GX) et de la transformation numérique (DX) pour parvenir à terme à un développement inclusif et durable. Les pays d’Asie centrale et du Caucase, qui ont des liens historiques et économiques étroits avec la Russie, ont été très affectés par l’agression de l’Ukraine par la Russie. Dans le cadre notamment du Dialogue « Asie centrale plus Japon », le Japon soutiendra le rôle de partenaire des pays d’Asie centrale et du Caucase dans le maintien et le renforcement d’un ordre international libre et ouvert fondé sur l’État de droit. S’appuyant sur une diplomatie régionale solidement bâtie avec les pays de toutes les régions du monde, le Japon poursuivra ses efforts en faveur de la stabilité des régions et de la communauté internationale en sensibilisant à l’importance de l’État de droit comme fondement de l’ordre international, et en travaillant à la préservation et au renforcement de celui-ci. (5) Faire face aux défis communs de l’humanité Le Japon doit prendre l’initiative pour relever les défis communs de l’humanité afin de garantir que l’ordre international qu’il défend bénéficie de la confiance des peuples du monde entier. Il est de plus en plus difficile pour les pays en développement, qui constituent la majeure partie de la communauté internationale, de se projeter vers un développement stable, du fait de circonstances internationales de plus en plus complexes et de l’intensification des défis mondiaux. Dans un tel contexte, et selon les principes de la sécurité humaine propres à notre époque, le Japon prévoit de multiplier les actions stratégiques et efficaces et d’étendre notamment l’utilisation de l’ADP – un des outils les plus importants de la diplomatie –, pour accélérer les mesures en faveur de l’aboutissement de l’Initiative pour un FOIP et en faveur de la réalisation des objectifs de développement durable (ODD). À cette fin, le Japon prévoit de réviser sa Charte de coopération au développement avant la fin du premier semestre 2023. En réponse à la hausse des prix des denrées alimentaires provoquée par l’agression de l’Ukraine par la Russie, le Japon travaillera en collaboration avec les organisations internationales ainsi qu’avec les pays partageant les mêmes valeurs, par le biais de la TICAD ou par d’autres moyens, pour soutenir les pays vulnérables. Le changement climatique constitue un défi commun à l’ensemble de l’humanité et une question cruciale que la communauté internationale tout entière doit traiter collectivement. La situation en Ukraine a mis la lumière sur la nécessité de trouver un équilibre entre cette question et la nécessité de renforcer la sécurité énergétique. En accord avec les conclusions de la COP27 qui s’est tenue en novembre, le Japon continuera à traiter les questions liées au changement climatique et à appeler tous les pays signataires à multiplier les mesures, notamment celles en faveur de la réduction des émissions conformément à l’objectif de 1,5°C7. En ce qui concerne le désarmement et la non-prolifération nucléaires, le Japon prendra appui sur sa relation de confiance avec les États-Unis, pays allié, pour multiplier les mesures réalistes et pratiques et se tenir en tête d’un « monde sans armes nucléaires », comme l’a fait par exemple le Premier ministre Kishida en présentant son « plan d’action de Hiroshima »8 : la première étape d’une feuille de route concrète pour transformer notre « réalité » caractérisée par « un environnement difficile », en un « idéal » de « monde sans armes nucléaires ». À cet égard, toutes les initiatives de la communauté internationale en faveur d’un « monde sans armes nucléaires », comme les réunions du Comité International des Sages pour « un monde sans armes nucléaires » (IGEP)9, seront encouragées par le Japon, qui approfondira par ailleurs le dialogue en ce sens avec, entre autres, les membres du G7, pour envoyer ensuite un message fort à l’occasion du sommet du G7 à Hiroshima. Les sujets liés à santé mondiale sont importants tant ils affectent directement, en plus de la santé des personnes, les économies, les sociétés et les systèmes de sécurité nationale. En concordance avec les enseignements tirés de la pandémie de COVID-19, et avec en toile de fond l’objectif de parvenir à une couverture sanitaire universelle (CSU)10, le Japon se fera leadeur de la réponse aux défis sanitaires mondiaux posés par la pandémie de COVID-19 et contribuera à l’élaboration d’une architecture mondiale de la santé pour améliorer la prévention, la provision et la réponse à apporter aux crises sanitaires futures. Pour atteindre les ODD, le Japon se montrera également proactif face aux divers défis à relever, comme la pollution plastique, la conservation de la biodiversité, l’escalade de la crise humanitaire, les réfugiés et les personnes déplacées, le terrorisme et l’extrémisme violent ou encore l’égalité entre les sexes. Afin de protéger les valeurs fondamentales que sont les droits de l’Homme, en dénonçant fermement toute violation grave à leur encontre et en encourageant par « le dialogue et la coopération » les efforts des pays qui iraient dans le bon sens, le Japon fera progresser une diplomatie des droits de l’Homme qui lui ressemble. 7 Objectif énoncé dans l’Accord de Paris : limiter le réchauffement climatique à un niveau nettement inférieur à 2°C au-dessus des niveaux préindustriels et redoubler d’efforts pour faire en sorte qu’il se limite à 1,5°C. 8 Le « plan d’action de Hiroshima » a été proposé par le Premier ministre Kishida lors de la 10e Conférence des Parties chargée d’examiner le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) qui s’est tenue en août, comme la première étape d’une feuille de route concrète vers un « monde sans armes nucléaires ». Il contient 5 parties : (1) la reconnaissance commune de l’importance de perpétuer la non-utilisation des armes nucléaires, (2) le renforcement de la transparence, (3) le maintien de la tendance à la diminution du stock mondial d’armes nucléaires, (4) la non-prolifération nucléaire et l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire, (5) l’encouragement des visites de dirigeants et de représentants de tous les pays sur les sites qui ont été bombardés par l’arme nucléaire. 9 IGEP : Une réunion internationale dont le Premier ministre Kishida a annoncé le lancement dans son discours de politique générale en janvier. Cette réunion rassemble des spécialistes ainsi que d’anciens ou actuels dirigeants politiques d’États dotés et non dotés de l’arme nucléaire, afin de discuter d’une voie concrète vers un « monde sans armes nucléaires ». La première réunion s’est tenue à Hiroshima en décembre. 10 Couverture sanitaire universelle (CSU) : Faire en sorte que chaque personne puisse bénéficier des services de santé de qualité dont elle a besoin, sans que cela génère pour elle de difficultés financières. (6) Renforcer concrètement la mise en œuvre de la diplomatie dans son ensemble Afin d’assurer des progrès concrets et continus face à chacun des objectifs présentés jusqu’ici, il est essentiel de garantir de la flexibilité dans la mise en œuvre de la diplomatie, ainsi que d’optimiser l’environnement de travail et les conditions de vie matérielles du personnel des missions étrangères, qui se trouve en première ligne de l’activité diplomatique, en agissant par exemple sur les diverses prestations qui ont été affectées par la fluctuation des taux de change et par l’augmentation du coût de la vie. Il s’agira par ailleurs de prendre des mesures en faveur de l’organisation des ressources humaines, des fonds publics engagés (dont ceux alloués à la poursuite de l’expansion de l’ADP), du renforcement des moyens de mise en œuvre du travail diplomatique et consulaire (comme par exemple par le biais de la transition numérique (DX)), d’une communication stratégique vers l’étranger, de l’augmentation du nombre de ressortissants japonais au sein des Organisations Internationales, de l’élargissement et de la promotion des cercles d’affinités et de connaissance du Japon et de la coopération avec les communautés Nikkei. Le ministère des affaires étrangères prévoit par ailleurs de jouer un rôle déterminant dans le sens de l’inscription des « Mines d’or de Sado » sur la liste du patrimoine mondial. Enfin, l’assouplissement des mesures frontalières entraînant la reprise des échanges internationaux, le ministère s’assurera de prendre toutes les mesures possibles pour assurer la sécurité des ressortissants japonais à l’étranger.